Ma vie avec Marfan

Intéressé Nombre de messages : 28 Age : 50 Date d'inscription : 20/03/2007

C'est ne pas vivre. S'interdire de vivre. S'interdire de faire du sport. Ne pas conduire. Ne pas faire de projets. Ne pas vouloir d'enfant. Ne pas se sentir à l'aise. Ne pas vouloir être aimer. Ne pas se frotter au genre humain. Ne pas croire en la bonté de l'homme. Douter de Dieu. Se réfugier dans la maladie. Avoir un nom en plus. Se cogner dans les lustres. Se cogner dans les meubles, les murs. Faire face à l'incompréhension. Bousculer les gens que je ne vois pas. Se penser supérieur. Ne pas se regarder dans le miroir. Dire que je ne joue pas au basket. Aimer la solitude. Etre cynique. Aimer les animaux bien plus que les gens. Aimer les enfants des autres. Ne pas pouvoir s'acheter des chaussures dans n'importe quel magasin. Sentir des douleurs dans tous le corps. Supporter le regard des autres. Supporter la bêtise des autres. Devoir supporter mes longs doigts, mes longs membres, mes longs pieds. Avoir des oreilles très souples.
Devoir m'aimer comme je suis.

Pour moi c'est une lutte qui est devenue inconsciente. Une habitude de rire et d'être heureuse en oubliant la douleur et les chagrins. Un tremplin pour éviter les écueils de la puérilité et voir le bonheur là où il y en a. Un réflexe d'en parler comme je le ressens et non pas comme une personne saine le ressentirait en atterrissant brusquement dans mon corps : c'est à dire de dire que je vais bien relativement à moi-même et non pas relativement aux autres. Je suppose que ça rend ma maladie insignifiante aux yeux des autres mais j'en ai pris conscience très récemment et puis je déteste la complainte et l'apitoiement...
C'est désirer un enfant à un âge où on doit désirer l'amour, en sachant que je n'en aurai jamais de mon sang sous peine de risquer la mort. C'est voir l'amour sans illusions à un âge où l'on doit croire au prince charmant et en ne l'ayant même jamais connu partagé.
C'est voir l'avenir comme d'infinies et larges avenues toutes semées d'obstacles durs à franchir.
C'est considérer la mort comme une vieille compagne, à l'âge où l'on se croit immortel.
C'est penser à la jeunesse comme à des jours déjà enfuis, voir parfois le monde par les yeux d'une grand-mère et considérer la vieillesse comme un lendemain proche.
C'est voir le monde par les yeux d'une enfant.
C'est prendre la vie comme elle vient et recevoir les épreuves avec philosophie.
C'est rire plus fort et plus longtemps que n'importe qui et pleurer sur la beauté et sur la tristesse des choses.
C'est en arriver à considérer mon corps sans importance à l'âge où tout le monde en complexe, se tatoue et se perce pour s'accepter alors que la jeunesse se sera enfuie quand ils réaliseront combien ils étaient beaux et combien les portes du monde leurs étaient largement ouvertes.
C'est me mettre parfois à douter de tout, à être au bord des larmes et à me trouver nulle et tant d'autres choses que je n'arrive pas à exprimer si bien que personne n'arrive à me consoler.
C'est user de mon mental pour arriver à faire aussi bien que les autres en fournissant deux fois plus d'efforts.
C'est fixer parfois leurs corps magnifiques en me disant combien il doit être agréable d'y vivre.
C'est sentir mon coeur se déchirer doucement quand je me dis que je ne pourrai jamais plonger, pas plus que faire du saut à l'élastique ni visiter les étoiles.
C'est adorer courir tout en étant stoppée par mon coeur quand mes jambes frémissent de courir encore...
C'est vivre, enfin, vivre plus douloureusement mais plus intensément que les autres, savourer l'instant présent autant que possible.... cheers

Visiteur Nombre de messages : 4 Age : 40 Date d'inscription : 07/03/2009

Wilco a écrit:: C'est ne pas vivre. S'interdire de vivre. S'interdire de faire du sport. Ne pas conduire. Ne pas faire de projets. Ne pas vouloir d'enfant. Ne pas se sentir à l'aise. Ne pas vouloir être aimer. Ne pas se frotter au genre humain. Ne pas croire en la bonté de l'homme. Douter de Dieu. Se réfugier dans la maladie. Avoir un nom en plus. Se cogner dans les lustres. Se cogner dans les meubles, les murs. Faire face à l'incompréhension. Bousculer les gens que je ne vois pas. Se penser supérieur. Ne pas se regarder dans le miroir. Dire que je ne joue pas au basket. Aimer la solitude. Etre cynique. Aimer les animaux bien plus que les gens. Aimer les enfants des autres. Ne pas pouvoir s'acheter des chaussures dans n'importe quel magasin. Sentir des douleurs dans tous le corps. Supporter le regard des autres. Supporter la bêtise des autres. Devoir supporter mes longs doigts, mes longs membres, mes longs pieds. Avoir des oreilles très souples.
Devoir m'aimer comme je suis.

Tu as décrit ma vie, sauf que moi je conduit et je n'aime pas les enfants des autres (mais ça c'est une carapace pour me protéger car je n'en aurait jamais -c'est un autre débat) Je suis une véritable misanthrope et me réfugie auprès des animaux, personne ne m'a jamais vraiment compris mais se protéger du genre humain c'est vital pour moi, sans compter que, sans cette maladie, la vie est déjà bien assez difficile, et le mot est faible, alors avec Marfan en plus, bonjour les dégats! Rolling Eyes

Alors en plus d'un physique qui ne passe pas inaperçu je repasse une couche en étant de style métal/gothique, un milieu dans lequel je me réfugie également car c'est un milieu rempli de gens atypiques et c limite si plus t'est différent mieux c'est! Au moins là je me dit que dans la rue on me juge sur mon look et même plus sur mon physique!

Mais ce que je veux dire, SOIS FIER de ta différence, sérieux, c'est une chance, c'est hyper dur, je sais, mais les gens tu les em***de!!! Et tu peux faire des projets, ton voisin peux crever sur la route demain et lui en aura fait alors que toi tu seras pt encore là dans 30 ans et t'en aura pas fait! Accepte que quelqu'un puisse t'aimer et accepte d'aimer toi aussi, vivons, et je te jure qu'être différent c'est un atout! Je suis sûre que tu as bcp de charisme, comme la plupart des Marfan, et que tu impressionnes bcp de gens sur ton passage Wink

Et puis se cogner c'est pas cool, je sais, ne pas pouvoir s'habiller facilement comme tout le monde c'est pas évident, mais nous on n'est pas dans le moule, on n'est pas des moutons, on est bel et bien uniques et tu mérites de vivre bien plus que les autres.

Sois fort et bon courage, nous appartenons à la même espèce! Wink

Tu as tout mon soutien.

Cordialement

Sarah

Intéressé Nombre de messages : 28 Age : 50 Date d'inscription : 20/03/2007

Je me retrouve dans vos écrits.
Parfois je ne sais pas exprimer tout ce que Marfan me fait ressentir.
Au-delà des douleurs, il y a la vie, cette vie avec Marfan, plus intense, plus profonde, plus humaine.

J'arrive à mettre une distance entre la maladie et moi. Une amie rencontrée récemment a trouvé ma manière de parler de moi différente. Sans doute la distance que j'ai mise pour lui parler de Marfan a du lui paraître un peu bizarre. et l'humour aussi. Elle m'a dit qu'elle avait l'impression que j'analysais un sujet, que je ne parlais pas de moi. Pourtant c'était bien de moi dont je parlais.

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